mardi 10 décembre 2013

J+56/ Lundi 9 décembre 2013/ Dernières heures à Goa sud

Au bout de près de deux mois de voyage, je commence à ressentir une détente plus profonde, la sensation subtile d'être en état de réparation et de fonctionner mieux. Les deux semaines passées ici à Palolem-Goa sud, au lieu des quelques jours initialement prévus, étaient nécessaires. Le yoga, les pieds nus, prendre le temps de regarder vraiment les gens et les écouter vraiment (sans penser à ce qu'on n'a pas fait ou ce qu'on doit faire après), la cuisine du sud de l'Inde et les spécialités goanaises, les potato wadas, ne rien faire, rouler en scooter dans la jungle, nager longuement, en s'étirant et en respirant, prendre le temps en fait. A force de tout faire vite, de plus en plus vite, on oublie de respirer et de prendre plaisir à ce qu'on fait. Ne serait-ce que marcher vers son travail, couper des légumes, se laver les mains, respirer l'air frais du matin ou même regarder quelqu'un dans les yeux. Les épouvantails dans la tête tombent. J'ai le temps. En fait, j'ai toujours le temps. Je pars dans quelques heures, mon sac n'est pas fait, je ne sais pas ou je dormirai à Bangalore, j'ai passé des heures au cyber café ce matin, j'ai pris le temps de dire au revoir à Liloo et discuter longuement avec une inconnue, et je prend encore le temps de déjeuner tranquillement. Tant pis si je n'ai plus le temps pour une dernière balade dans la jungle ou une dernière baignade ou les derniers achats. Je n'ai qu'un seul (vrai) souci: je me suis coincé le nerf vagal dans le cou il y a quelques jours et depuis lorsque je tourne rapidement la tête à gauche, j'ai encore parfois le vertige ou la nausée. Ca ne m'a pas empêchée de continuer le yoga avec Liloo ni de me diriger droit vers Mysore pour poursuivre ma pratique avec un de ses maîtres, alors je relativise. La santé, le plus important. Le reste, après. 

Scènes de vie.

Hier sur la plage, le vendeur de derboukas est musulman. Il a cinquante neuf ans et il a eu douze enfants. Sur les douze, six sont morts en bas âge. Il ne se plaint pas pourtant. Il me donne un petit concert privé. Chant et derbouka. C'est la vie. 

Au D'Costa où je loge, le père du manager porte le pagne traditionnel, fesses nues mais avec un tee shirt. Au début, les gens se retournent, mais il est tellement à l'aise qu'on l'oublie vite. L'indécence, ce n'est pas de déambuler les fesses nues au restaurant.

Sur la plage, à sept heures du matin, Liloo et moi commençons le cours lorsque nous sommes interrompues par un jeune homme qui dit vouloir suivre le cours avec nous. Il tient à peine debout, à la main un verre de whisky coca et un nuage de vapeurs d'alcool l'entoure. Beaucoup d'hommes jeunes boivent trop ici. Hier sur la plage, un homme à quatre pattes au loin. On dirait qu'il fait la posture du chat. En fait, il vomit ses tripes, à seize heures seulement. L'alcool encore. Un autre en lune de miel avec sa femme. Six mois de mariage seulement. Il sort boire tous les soirs et rentre ivre mort. Sa femme n'a pas le droit de sortir seule et doit rester à la maison en l'attendant. Seule. Elle a vingt quatre ans et l'interdiction d'exercer son métier (enseignante) car ce serait une insulte pour sa belle famille, une preuve que ces derniers n'auraient pas les moyens de l'entretenir. Elle pleure tous les jours et Liloo fait ce qu'elle peut pour la soutenir. Quand on se promène sur les routes, on trouve partout des affiches des alcooliques anonymes. Les drogues légales semblent autrement plus destructrices que les drogues illicites.

Il y a quelques jours, un couple cinquantenaire dans la hutte voisine. On discute. L'homme me pose sans arrêt la même question: pourquoi dépenser autant d'argent dans un voyage? J'ai tenté tous les angles de réponses possibles sans parvenir à lui faire comprendre. Parfois, les choses ne rentrent pas dans le cadre, dans la grille de lecture, et c'est comme ça. 

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